80e anniversaire: 13 juillet 1944 grève patriotique des mineurs de Carmaux

80e anniversaire

13 juillet 1944 grève patriotique des mineurs de Carmaux

En présence de

Karen Erodi : Députée de la 2e circonscription du Tarn

Geraldine Rouquette Conseillère régionale

Jean-Louis Bousquet Maire de Carmaux

Thierry San Andres Maire de Saint-Benoît de Carmaux

Serge Entraygues co-président ANACR

Jean-Claude Marty secrétaire Association des Amis Résistants du Ségala AARS

Excusée Laure Malleviale Secrétaire UD CGT

Une gerbe est déposée par Marie-Claude Azemar, belle- fille de Robert Azemar et Casimir Krawczyk, fils de Wladislas Krawczyk. Robert Azemar et Wladislas Krawczyk sont deux des victimes de cette grève patriotique du 13 juillet 1944 à Carmaux.

La députée Karen Erodi dépose aussi une gerbe pour commémorer ce grand acte de résistance.

L’intervention qui suit est faite par Christian Zullo, Président de l’Institut Tarnais d’Histoire Sociale CGT (ITHS CGT). Après avoir décrit les faits et les avoir replacé dans leur contexte il conclut qu’aujourd’hui il faut bien sûr résister mais que cela ne suffit pas, il faut un engagement profond de chacun.

 

 

 

 

 

 

 

La grève patriotique appelée aussi grève insurrectionnelle combine l’action revendicative et le combat national. Ces grèves montrent le rôle et la place décisifs qu’a joué la classe ouvrière pendant l’occupation allemande lors de la deuxième guerre mondiale. Le patronat, la droite et l’extrême droite dès 1938 avaient choisi «  Hitler plutôt que le Front Populaire ».

Pour apprécier le courage et les risques encourus par les grévistes il faut se replonger dans le contexte :

Le 30 septembre 1938 la France et l’Angleterre représentées par Daladier et Chamberlain signent les accords de Munich avec l’Allemagne nazie et l’Italie représentées par Hitler et Mussolini laissant le champ libre aux nazis pour annexer la région des sudètes en Tchécoslovaquie peuplée d’importantes minorités allemandes.

Le pacte germano-soviétique ou pacte Molotof-Ribbentrop a été signé le 23 août 1939 à Moscou. (Hitler a mis fin à ce pacte en lançant l’opération Barbarossa au petit matin du 22 juin 1941). A la suite de cette signature le Parti Communiste Français est a été dissout le 26 septembre 1939. Après la signature de l’armistice par Pétain le 22 juin 1940 le PCF s’est réorganisé clandestinement en juillet-août 1940 : Martha Desrumaux est responsable de la direction du PCF du Nord et Auguste Lecoeur de la direction du PCF du Pas de Calais.

La grève patriotique des mineurs du Nord Pas-de-Calais en mai-juin 1941

Après les accords Pétain-Hitler de Montoire du 24 octobre 1940 le patronat renforce son engagement dans l’effort de guerre allemand mais la classe ouvrière s’est refusée à toute collaboration. Durant la première année d’occupation le plus grand mouvement de masse, non seulement en France mais dans toute l’Europe, s’est déroulé du 27 mai au 9 juin dans le Nord-Pas-de-Calais où 100 000 mineurs ont défié l’occupant.

Cette grève a été préparée depuis l’été 1940 par Martha Desrumaux et Auguste Lecoeur en rédigeant un cahier de revendication, vieille tradition ouvrière qui permettait de fédérer les mineurs. La conduite de la grève a été parfaitement maîtrisée : le personnel ne s’est pas présenté et les femmes ont sillonné les chorons pour inciter les mineurs non grévistes à rejoindre le mouvement. Ils obtinrent des concessions sur les salaires, le ravitaillement, le savon, important pour les mineurs, mais la répression fût terrible. Avec la collaboration de l’Etat et du patronat minier qui a fourni les listes de militants la Gestapo a arrêté plus d’un millier de personnes, 270 mineurs ont été raflés et déportés, 130 ne sont pas revenus, principalement des responsables de la CGT et du Parti Communiste.

Ces hommes et ces femmes ont eu le courage de ne pas se résigner face à l’occupant, le gouvernement d’extrême droite et le patronat minier. Ils ont refusé d’alimenter la machine de guerre nazie, pendant les quinze jours de grève 500 000 tonnes de charbon ne furent pas extraites.

La grève patriotique des mineurs de Carmaux

A l’automne 1940 la charte du travail promulguée par Pétain interdit les Confédération syndicale, la CGT la plus importante et la CFTC. Le 17 octobre 1943 la CGT réunifiée renaît clandestinement avec les accords du Perreux. Jean Moulin qui avait pour objectif d’unifier la résistance a œuvré pour cette réunification entre la CGT Unitaire et la CGT Confédérale. Jean Moulin avait bien mesuré la place du syndicalisme comme levier d’action car cette réunification a eu pour effet de rassembler la Résistance intérieure au sein du Conseil National de la Résistance créé le 27 mai 1943. A cette première réunion du CNR plus de la moitié des présents ont un passé de syndicaliste dont les ¾ à la CGT.

Après le débarquement du 6 juin 1944 en Normandie les alliés piétinent depuis un mois. La répression est féroce , le massacre d’Oradour sur Glane a été perpétré le 10 juin 1944. Le 10 août 1944 à l’Est les soviétiques passent la Vistule et en Italie les alliés prennent Pise et Florence après avoir pris Rome le 4 juin. Seuls la Corse et le littoral normand sont libérés.

Le bassin minier carmausin a connu plusieurs grèves qui paralysèrent la production : le 11 novembre 1943, le 17 novembre 1943, le 1er janvier 1944. Il faut souligner le courage des grévistes qui risquaient la déportation, voire la mort.

Les 13 et 14 juillet 1944 à Carmaux :

Le comité insurrectionnel, réuni le 8 juillet est composé des représentants du PCF, des jeunesses communistes, de la CGT clandestine, du Front National de la résistance, des forces vives des jeunesses patriotiques, des FTP et des FTP-MOI.

Le comité lance aux mineurs de Carmaux-Cagnac un appel à la grève patriotique, suivant les directives du CNR diffusées par radio Londres qui avaient pour but de faire du 14 juillet une grande journée de grèves et d’actions contre l’occupant et ses valets de Vichy.

Cette grève avait 2 buts :

* La satisfaction d’un cahier de revendications : augmentation des salaires, limitation de la durée du travail, amélioration des conditions de travail…

* Participer à la paralysie de l’industrie de guerre nazie

Plusieurs tracts ayant pour objet le dépôt du cahier de revendication précisaient : « plus un seul morceau de charbon pour les boches », «  le 14 juillet verra se dresser les français qui désirent vivre libres », « ce 14 juillet sera le départ de la guerre totale contre les boches maudits et contre les traîtres qui les servent ».

Au cours de la nuit du 12 au 13 juillet, en même temps qu’un tract était distribué, des affiches appelant à la grève furent placardées sur les murs de Carmaux. A 6h30 du matin du 13 juillet, lorsque les mineurs du poste du matin se présentèrent ils furent accueillis par les militants de la CGT clandestine. Pas un mineur n’est descendu au fond, la grève est totale. A 7 heure du matin 3000 mineurs sont rassemblés aux laveries où se tient un immense meeting. Marcel Pélissou expose le cahier de revendications que Wladislas Krawczyk traduit en polonais. Marcel Pélissou libéré de déportation en 1942 était entré en clandestinité et était membre du comité insurrectionnel, il sera secrétaire du syndicat CGT des mineurs à la libération, secrétaire de l’UD en 1949, député PCF en 1956. Le meeting se tient près de la garde allemande du puits de La Tronquié mais l’occupant est décontenancé par cette impressionnante démonstration de force des mineurs.

Il est prévu qu’une unité des FTPF assure la couverture militaire de la manifestation mais cette protection tarde à arriver. Malgré cela le cortège s’élance pour aller déposer le cahier de revendications au bureau des mines. Arrivés à La Croix du Marquis ils se heurtent à des barrages allemands. Pour éviter l’affrontement les dirigeants de la CGT clandestine prononcent la dislocation de la manifestation, mais les soldats allemands ouvrent le feu.

Arturo Bandini, membre des FTPF, ancien membre des brigades internationales, ancien député communiste de Turin est tué.

Wladislas Krawczyk est abattu peu après alors qu’il retournait à son domicile des Bruyères.

Robert Azemar, chargé de liaison avec les FTP de l’Aveyron est fait prisonnier à Tanus. Transféré à la prison Saint-Michel à Toulouse il sera torturé puis exécuté le 17 août suivant.

Le lendemain 14 juillet, malgré l’interdiction de manifester, un millier de personnes se retrouvent devant la statue de Jean Jaurès à Carmaux.

La direction des mines annonce accepter les revendications corporatistes présentées et le syndicat légal dirigé par le socialiste Sinot appelle à la reprise du travail le 17 juillet. Mais le 17 juillet la grève est totale car passant outre les consignes du syndicat Vichyste le comité insurrectionnel, considérant que la grève insurrectionnelle allait de pair avec la libération, décide de poursuivre et d’étendre l’action.

Pendant six jours, avec l’appui massif de la population, actions de masse et actions militaires des FTPF vont se succéder. Après avoir occupé Cagnac le 15, Blaye le 16, l’objectif est d’occuper Carmaux où les forces allemandes sont importantes. et le 18 juillet toute la journée après de durs combats, Carmaux a été aux mains des maquisards mais, devant l’arrivée de renforts ennemis, les FTP décrochent et se replient sur Bourgnounac. L’action militaire s’est poursuivie sous forme de guérilla contre les postes isolés et les transports.

C’était un des prémices de la libération de Carmaux qui fût libérée un mois plus tard.

L’effectif des troupes d’occupation dans le Tarn était de 6000 hommes environ ; à Carmaux jusqu’à mi-juillet 1944 la garnison allemande comprenant des Turkmènes et des Vlassovs comptait 400 hommes.

Les maquis, qui s’étaient développés à partir de mars-avril 1944, était composés en grande majorité de mineurs, dont de nombreux polonais, de paysans et artisans tous volontaires pour éviter le Service de Travail Obligatoire en Allemagne. L’apport des républicains espagnols avec leur expérience de la guerre d’Espagne était précieux. Les maquis ont connus un afflux de volontaires après le débarquement en Normandie du 6 juin 1944.

A la suite du débarquement en Provence le 15 août 1944 la garnison allemande est allégée à 98 hommes pour envoyer des renforts sur la côte méditerranéenne. Compte tenu de cet allègement les dirigeants de la résistance décident d’attaquer dès le lendemain. Le 16 août 1944 au petit matin après avoir occupé les points sensibles à l’intérieur de la ville depuis 3 heures du matin les résistants attaquent à 14 h le cantonnement allemand installé dans l’école de la Croix Haute qui tombe au bout d’une heure de combats.

Mais les allemands disposent à Albi caserne Lapérouse de 1800 hommes plus 300 au Camp Saint Antoine et envoient des renforts avec pour mission de reprendre Carmaux. Les combats vont durer encore 2 jours les 17 et 18 août. 2000 maquisards sans expérience militaire, équipés d’armes légères ont affronté 2500 militaires dotés d’armes lourdes, de blindés légers, d’artillerie et d’aviation. Les dix maquis de Carmaux et les quatre de Gaillac, Graulhet, Teillet et Belmont ont tenu un front de 8 kilomètres entre Blaye et Pouzounac avec son centre de gravité au Garric sur la route nationale en direction d’Albi.

Tous ces combats aboutiront à la libération d’Albi, de Castres, de Gaillac et du département du Tarn mais aussi de Rodez.

La ville de Carmaux, première ville du Tarn à se libérer, recevra la croix de guerre remise par le président Vincent Auriol le 8 juin 1952.

La grève patriotique des cheminots du 10 août 1944

Cette grève a été déclenchée avec le mot d’ordre : « …Mort aux boches et aux traîtres, les alliés doivent entrer dans un Paris libéré… »

Pour l’armée allemande le contrôle et le bon fonctionnement du réseau ferroviaire revêt une importance vitale pour le transport de troupes et l’approvisionnement en armes et munitions. Les cheminots résistants multipliant les sabotages déclenchent ce 10 août une grève insurrectionnelle pour bloquer la circulation des allemands.

Conclusion

Les grèves patriotiques avaient pour but final de déboucher sur un monde nouveau, fraternel, solidaire, démocratique. Ces aspirations on trouvé leur traduction dans le programme du Conseil Naional de la Résistance. Ce fût la création de la Sécurité Sociale, des allocations familiales. Ce fû aussi la » nationalisation de l’industrie des combustibles minéraux » le 19 avril 1946 puis « le statut du personnel des exploitations minières e assimilées » le 14 juin suivant, plus connu sous le nom de statut des mineurs.

Pour rester fidèles à l’esprit des manifestants qui on participé à ces grèves insurrectionnelles il convient de résister en poursuivant leur idéal de démocratie sociale, en ne lâchant rien sur les conquêtes sociales de la libération, en luttant pour une meilleure répartition des richesses. Il ne faut pas se laisser impressionner par les éminents économises de la doxa libérale qui nous demandent de nous serrer la ceinture alors que la fortune des milliardaires ne cesse d’augmenter. En 2009 les patrimoines cumulés des 500 plus grandes fortunes de france  était de 194 milliards représentant 10 % du PIB sont aujourd’hui de 1170 milliards représentant 45% du PIB.

Comme a dit Lucie Aubrac le verbe résister doit toujours se conjuguer au présent.

Aujourd’hui la résistance ne suffit plus, il faut un engagement profond de chacune et chacun.

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